Schuricht - La Presle
Honegger

APRES le concert qu'il vient de diriger à la Société du Conservatoire, Carl Schuricht se classe, sans l'ombre d'une hésitation, parmi les trois ou quatre meilleurs chefs de notre temps. J'écris cela après avoir pesé l'appréciation et revu la liste des happy few au nombre desquels j'ose ranger ce merveilleux artiste qui, depuis longtemps, ne nous donne que des exécutions hors de pair. Ce qu'il a fait, samedi et dimanche, de la Neuvième symphonie ? Il l'a transfigurée, tout simplement - non point avec des passes magnétiques, mais en scrutant avec amour la pensée de Beethoven, en lui restituant ce dont on la prive généralement : la grandeur de conception et l'exactitude rythmique. Au terme du finale, il se sent assez sûr de son orchestre et de ses choeurs pour prendre un tempo fiévreux qui communique au texte un héroïsme batailleur du plus saisissant effet. Tout cela sans grands gestes, la main droite marquant la mesure, la gauche distribuant équitablement ce qui revient à chacun : une touche d'ombre aux violoncelles, un jet de lumière aux trompettes, un reflet assourdi du côté des contrebasses : peintre, sculpteur, poète et musicien, Carl Schuricht a été tout cela. Un grand parmi les grands.

Un magnifique quatuor - Lisa Della Casa, Hélène Bouvier, Peter Anders, Heinz Rehfuss - aidait la chorale Brasseur à se dépasser. Egal à lui-même, l'orchestre du Conservatoire pouvait satisfaire les plus difficiles.

A Colonne, on a entendu un bien joli Concerto de Jacques de la Presle. Que voilà un harmoniste subtil, égaré dans notre époque brutale pour la plus grande joie de ceux qui demandent à la musique autre chose que des sensations fortes ! Ouvragé avec goût, traité en jeux de rythmes vétilleux, puis en volutes qui rappellent les barcarolles de Fauré, tour à tour pétillant, rêveur, enjoué, interprété avec distinction par Mlle Bundervoët, ce concerto de qualité avait de quoi séduire l'auditoire et tenter Paul Paray. Celui-ci venait de conduire la Symphonie pathétique avec une maîtrise proprement éblouissante.

Il faudra revenir sur la Suite archaïque d'Arthur Honegger dont Pierre Dervaux, chef des concerts Pasdeloup, donnait dimanche après-midi la première audition. Contemporaine de la Cinquième symphonie, cette suite en quatre mouvements - Ouverture, Pantomime, Ritournelle et Sérénade, Processionnal - n'emprunte au passé que son ton général et son allure, tantôt gaillarde et vive, tantôt cérémonieuse et noble, mais non pas du tout son langage. Les amateurs de pastiche seront déçus. Les musiciens exigeants seront comblés.

Clarendon.

Le Figaro, numéro 2256, 11 décembre 1951.

This document was found out by Dr. Gaël Rouillé and typed by himself.

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