SYMPHONIES

au Conservatoire et chez Lamoureux

DEUX concerts Beethoven ont préludé, la semaine dernière, aux festivités de la Grande Saison de Paris. La Société des Concerts du Conservatoire et l'Association des Concerts Lamoureux avaient fait appel à deux spécialistes de l'art beethovenien pour diriger trois Symphonies du maître de Bonn, et ces deux " Kappelmeister " nous ont démontré que la tradition dont ils sont, entre autres, dépositaires peut supporter des interprétations largement opposées.

Chez Lamoureux, Paul Van Kempen nous offrait la IIIe et la VIIe Symphonie. Son style tour à tour élégiaque, tendre, lyrique ou passionné, fait surtout ressortir le caractère humain des partitions de Beethoven. Il refuse d'y découvrir des sentiments ténébreux, mystérieux ou des problèmes métaphysiques. Seulement faut-il lui reprocher un mouvement trop rapide qui, surtout dans la VIIe Symphonie, estompe les contrastes, nivelle souvent les rythmes pour ne laisser apparaître qu'un tourbillon, enivrant certes, mais qui nous prive de satisfactions également estimables.

Au Conservatoire, Carl Schuricht dirigeait la IXe Symphonie. L'extrême lenteur des mouvements a dû étonner bien des habitués des concerts symphoniques et, pourtant, on ne peut nier que sous sa baguette cet hymne de joie prend une valeur singulièrement puissante. Au lieu de faire éclater cette joie, il semble vouloir en étouffer les crescendo ; il donne un sens religieux à cette musique lourde d'arrière-pensées mystiques, et si la joie même en devient un peu triste, elle acquiert par ailleurs une profondeur qui en décuple la valeur.

Les solistes, placés au fond de la scène, mêlaient d'une façon heureuse et inhabituelle leur voix à celle de la Chorale Elisabeth Brasseur dont il faut souligner l'excellence. Hélène Bouvier, Hélène Fahrni, Georges Jouatte et Charles Cambon composent un quatuor vocal dont les qualités s'équilibrent à ravir. Comment ne pas mesurer, après cette exécution, tout ce que cette oeuvre gagne à être chantée en allemand ?

Par intérim :

Claude Baignères.

Le Figaro, numéro 1433, 19 avril 1949.


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