J'AI compris, dimanche mieux que jamais, comment et pourquoi, en présence d'un grand ouvrage de Beethoven, l'imagination joue un rôle égal à celui de la musique. Carl Schuricht dirigeait la Neuvième Symphonie, avec une grandeur qui n'excluait point du tout la minutie. De cette oeuvre touffue, et sur la construction de laquelle de savants musiciens ont longuement épilogué, les plans se détachaient avec une logique et une netteté incomparables. Des tempi pas trop vifs, une gesticulation réduite au strict minimum ; avec cela, l'orchestre du Conservatoire en grande forme (mention spéciale au cor solo, M. Thevet, qui a fait merveille) quatre beaux solistes et la chorale Brasseur, entraînée par son chef à ne marchander ni sa foi ni son talent collectifs.
Tout cela, qui était beau, prit son véritable sens après le spectacle, dans la loge de M. Schuricht. D'un artiste que je viens d'admirer pour ce qu'il a fait, j'aime toujours apprendre ce qu'il a voulu faire. Eh bien ! M. Schuricht parla de " sa " symphonie en des termes si chaleureux, il s'enquit si simplement de l'effet produit par telles et telles initiatives - un geste, un arrêt brusque, un crescendo moelleux - il était, en bref, si plein de son sujet et si passionné que la Neuvième nous parut tout à coup encore beaucoup plus vivante qu'une heure auparavant. " Pour un vrai musicien, disait Reynaldo Hahn, il y a mieux que d'écouter la musique : c'est d'en parler. "
Clarendon.
Le Figaro, 16 novembre 1949.