Au Festival de Lyon-Charbonnières

Les symphonies de Beethoven au théâtre antique

Première soirée : sixième et septième symphonies

HIER soir a commencé, au Théâtre Antique, l'audition des neufs symphonies de Beethoven interprétées par l'Orchestre Philharmonique de Vienne, dirigé par Carl Schuricht.
On peut évidemment ouvrir une controverse sur l'opportunité d'une suite de concerts consacrés à l'exécution intégrale d'oeuvres du même compositeur. Forte cependant du succès remporté naguère par les " Concertos brandebourgeois ", dirigés par Münchinger, l'organisation du Festival a joué gagnant en proposant les symphonies de Beethoven, valeur sûre du répertoire symphonique, un des plus grands monuments de la musique de tous les temps.

On pouvait présenter ces symphonies dans l'ordre chronologique qui aurait permis de suivre l'évolution du génie de Beethoven se libérant progressivement de l'influence de Mozart et Haydn, la succession de ses oeuvres traduisant non seulement les transformations de son esthétique mais le développement de son drame intérieur. On a groupé les oeuvres dans un ordre certainement plus séduisant, réalisant des effets de contraste très heureux, prenant comme introduction la sixième, la " Pastorale ", que Berlioz considérait comme la plus belle, et comme couronnement la neuvième, cette apothéose, sublime appel à la fraternité universelle.
Avec la " Pastorale ", hymne ardent à la nature, dont la poésie apparut hier soir plus exquise que jamais dans l'enceinte de plein air de notre théâtre antique, Beethoven qui jusque là avait surtout confié à la musique ses propres joies et ses propres peines, décrit les sources mêmes de la vie. Si Beethoven dépeint de façon assez précise diverses scènes de la vie campagnarde, il ne fixe nulle limitation impérative au rêve pastoral dans lequel sa musique nous entraîne.
Contrastant avec la calme poésie de la sixième, la septième symphonie est toute vibrante d'une vie intense, d'une joie frémissante qui se traduit par une variété de rythmes telle que Wagner voyait dans cette oeuvre l'" Apothéose de la danse, l'action bienheureuse des mouvements du corps incorporés en même temps à la musique ". Beethoven, malgré les déceptions qui avaient marqué cette période de sa vie, malgré l'infirmité qui le menaçait, a fait déjà de cette oeuvre un " hymne à la joie ".
L'orchestre philharmonique de Vienne a donné, hier soir, une interprétation d'une exceptionnelle qualité. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus de la netteté des cuivres, de la poésie des bois ou de l'extraordinaire " fondu " des cordes, l'ensemble des violons réalisant les plus subtiles nuances d'un instrument solo.
Quant à Carl Schuricht, on peut le considérer sans doute comme le premier chef beethovénien actuel. Son interprétation, tour à tour discrète ou véhémente, souligne toutes les intentions du texte musical. Dirigeant avec une admirable sobriété, son corps restant pratiquement immobile, sa baguette marque un tempo d'une impérative précision, tandis que la main gauche par quelques gestes simples souligne un thème, apaise l'éclat des sonorités jusqu'à la nuance la plus ténue ou déchaîne un impressionnant crescendo.
Un public exceptionnellement nombreux adressa à l'orchestre et à son chef une ovation enthousiaste qui se renouvellera sûrement au cours des trois concerts prochains présentant la suite de l'oeuvre titanesque de Beethoven.

H. D.

Le Progrès, numéro 33702, 26 juin 1956.


This document was found out by Dr. Gaël Rouillé and typed by himself.


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